Ce site, dans une précédente version dont les contrefaçons de publications furent par trop incessantes, avait suivi au jour le jour les débats parlementaires sur la légalisation du cannabis dans l’État fédéré du Colorado et l’État fédéré de Washington (qui n’est pas à confondre avec la ville de Washington, capitale des États-Unis, dans le district fédéral de Columbia).
Des chercheurs français très sérieux, réunis autour d’un projet dit Cannalex ont travaillé. Sérieusement. Ils viennent de rendre leurs conclusions (voir plus bas). Intéressantes. Leur communiqué de presse dit ceci :
Initié en 2015, le projet de recherche international Cannalex a été mené par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) en partenariat avec l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) grâce à un appui financier du Conseil supérieur pour la formation et la recherche stratégiques (CSFRS). L’objectif de Cannalex est de mieux appréhender les expériences inédites de régulation du cannabis initiées à partir de 2012 dans les États du Colorado et de Washington aux États-Unis ainsi qu’en Uruguay. En effet, ces trois territoires se sont quasi simultanément engagés dans des processus de légalisation de la consommation de cannabis à titre récréatif et personnel (soit une autorisation, sous certaines conditions, de la détention du produit mais aussi de sa production et de sa diffusion).
Comment ces choix, qui contreviennent aux principes des conventions internationales et, aux EtatsUnis, à la loi fédérale, ont-ils émergé ? Quelles différences observe-t-on dans leur mise en œuvre ?
Quels effets a-t-on pu mesurer sur les niveaux d’usage, la délinquance et la criminalité ? Ces processus sont-ils réversibles ?
L’étude présentée à Paris le 6 octobre par l’équipe de recherche Cannalex apporte des éléments de réponse sur ces questions en combinant deux démarches complémentaires : une recherche documentaire et analyse des sources officielles dans tous les domaines concernés par les réformes (santé publique, criminalité, économie…) mais également une enquête de terrain auprès des acteurs clés dans ces territoires (représentants des pouvoirs publics, autorités de régulation et personnalités de la société civile).
L’approche de Cannalex, résolument objective, permet de mesurer des effets à court terme desréformes mais pas de se prononcer pour ou contre ces initiatives ou de préconiser un modèle. Par ailleurs, compte tenu du caractère novateur et évolutif des processus étudiés, les résultats présentés ne sauraient être définitifs.
Les principaux points développés par l’analyse de Cannalex sont ici résumés.
Les processus de légalisation examinés sont dissemblables. Dans les deux États américains considérés, ce sont les acteurs de la société civile qui ont milité pour les réformes approuvées par voie référendaire. En Uruguay, la régulation a été portée par l’exécutif. Ces approches sensiblement différentes se traduisent par des modalités de mise en œuvre divergentes. Tandis que la logique de marché prime dans l’État de Washington et surtout au Colorado, l’État uruguayen joue un rôle central dans le processus en contrôlant l’essentiel de la chaîne de production et de distribution.
Les premiers effets mesurés sur les niveaux de consommation sont contrastés selon les tranches d’âge et les États. Alors que l’accès au produit reste interdit avant 21 ans dans les deux États américains, la prévalence des usages chez les mineurs y est stable. En revanche, les usages des adultes sont en hausse et le Colorado, qui figurait déjà parmi les plus consommateurs des États-Unis,
voit cette place consolidée. L’étude rend également compte d’une nette augmentation des hospitalisations liées au produit et des cas de conduite automobile après usage de cannabis. En Uruguay, les derniers chiffres disponibles sont antérieurs à la mise en œuvre totale de la réforme : ils montrent une forte hausse des niveaux d’usage (surtout chez les moins de 18 ans), celle-ci ayant été amorcée il y a une dizaine d’années, soit avant la légalisation.
Concernant les marchés et les répercussions sur les organisations criminelles, des situations critiques perdurent. Un marché noir (concernant principalement les produits bas de gamme) subsiste dans les deux États américains, ainsi qu’en Uruguay où la demande croissante se heurte au retard de la mise en œuvre du processus de réforme. Le renforcement de l’activité de réseaux criminels venus d’États voisins y a été sensible. Le Colorado et l’État de Washington doivent en outre faire face aux problèmes de trafics engendrés par la demande des États américains n’ayant pas légalisé le cannabis et à l’activité de cartels mexicains qui se repositionnent sur d’autres produits (opiacés en particulier).
À ce stade, l’évaluation des effets au plan économique ne peut être que partielle. En effet, si les réformes des deux États américains témoignent incontestablement du dynamisme de cette activité en termes de chiffre d’affaires, d’emplois et de recettes fiscales, un bilan à plus long terme sera
nécessaire. Celui-ci devra notamment intégrer les conséquences négatives induites par la régulation (coûts en termes d’hospitalisations, de traitements et d’accidentologie). En Uruguay, les effets attendus portaient davantage sur la baisse des consommations que sur les ressources fiscales induites par la légalisation.
Cannalex Rapport Intégral by Anonymous LI4EJDveZ5 on Scribd