Cour suprême. Pouvoir de révocation par le président des dirigeants des agences fédérales (Seila Law LLC c. CFPB, 29 juin 2020).

Dans cette décision favorable aux pouvoirs présidentiels, et à travers son invalidation des restrictions prévues par le Congrès, la Cour suprême a facilité la faculté pour le président de révoquer le chef du Consumer Financial Protection Bureau (Bureau de la protection financière des consommateurs). La Cour reconnaît au président le pouvoir de révocation discrétionnaire du président de cette agence fédérale.

En vertu de la loi Dodd-Frank qui a créé l’agence en réponse à la crise financière de 2008, le directeur du CFPB est nommé par le président et confirmé par le Sénat pour un mandat de cinq ans. La loi avait déclaré que le président ne pouvait révoquer le directeur que pour « inefficacité, négligence dans ses fonctions ou faute professionnelle ». Cette disposition avait pour conséquence d’obliger un nouveau président de composer avec un directeur de l’agence choisi par son prédécesseur, soit une limitation des pouvoirs du président et une conception d’un chef d’agence comme échappant à toute responsabilité politique devant un organe élu.

« Le leadership du CFPB par une seule personne amovible uniquement pour inefficacité, négligence ou faute professionnelle viole la séparation des pouvoirs », écrit le juge Roberts pour la majorité de la Cour.

Dans son opinion dissidente, la juge Elena Kagan a fait valoir que les tribunaux devraient s’abstenir de statuer sur la manière dont le Congrès et l’exécutif conçoivent la structure des agences fédérales indépendantes. La préservation de ces agences des pressions politiques, a-t-elle encore fait remarquer contribue à ce qu’elles prennent des décisions impartiales.

Si la Cour semble ne pas considérer que sa solution vaut pour toutes les agences fédérales, elle ne précise cependant pas si et à quelles conditions elle est susceptible de s’appliquer aux agences fédérales « traditionnelles », notamment celles dirigées par une instance collégiale, ou aux autres agences fédérales dirigées par une seule personne.

« La décision de la Cour suprême, a fait remarquer la journaliste juridique Nina Totenberg, est la première faille dans l’armure d’indépendance de ces agences ⁅fédérales⁆ depuis 1933, lorsque le président Franklin Roosevelt a tenté de licencier William Humphrey, l’un des cinq commissaires de la Federal Trade Commission. Roosevelt n’avait pas eu de problème avec la qualité du travail de William Humphrey mais voulait le congédier simplement parce qu’il avait été nommé par le président précédent, le républicain Herbert Hoover, et qu’il était un conservateur qui n’était pas d’accord avec les vues politiques de Roosevelt. Parce que la FTC avait une autorité sur de nombreuses politiques progressistes du New Deal, Roosevelt voulait que Humphrey soit remplacé par sa propre personne nommée. En 1935, dans Humphrey’s Executor v. United States, la Cour suprême a statué à l’unanimité que le président ne pouvait pas révoquer discrétionnairement les commissaires de la FTC, comme il en avait le pouvoir pour son propre cabinet ou d’autres membres de son administration. La cour a jugé que le Congrès avait créé la FTC pour remplir des fonctions quasi judiciaires et quasi législatives et avait donc eu l’intention de la rendre politiquement indépendante. Rendue il y a 85 ans, la jurisprudence Humphrey avait été réaffirmée des dizaines de fois depuis ».

Pour aller plus loin.

Scotus : Seila Law LLC v. CFPB (29 juin 2020) by Pascal Mbongo on Scribd

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