De l’admissibilité de la communication via Facebook de pièces et de documents judiciaires à des mis en cause : U.S. District Court, Southern District of New York, Federal Trade Commission v. PCCare247 Inc., 7 mars 2013.

Une cour fédérale de district, statuant en juge unique, délivre à des procureurs fédéraux un mandat les autorisant à transmettre des pièces et des documents (autres que des sommations et des plaintes) à des accusés résidant à l’étranger (Inde) par email et par Facebook.

Cette décision a été rendue dans le cadre d’une procédure engagée pour escroquerie en septembre 2012 par la Federal Trade Commission (FTC) contre la société PCCare247 Inc, ainsi que plusieurs autres entités et des défendeurs individuels qui promettaient de résoudre contre paiement des problèmes d’ordinateur en réalité fictifs.

La cour a considéré que la transmission de pièces aux défendeurs demandée par les procureurs fédéraux ne viole ni les règles constitutionnelles du Due Process of Law ni les engagements internationaux souscrits par les Etats-Unis, en particulier ceux découlant de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.

L’article 10 de cette Convention stipule :

La présente Convention ne fait pas obstacle, sauf si l’Etat de destination déclare s’y opposer :

a) à la faculté d’adresser directement, par la voie de la poste, des actes judiciaires aux personnes se trouvant à l’étranger,

b) à la faculté, pour les officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’Etat d’origine, de faire procéder à des significations ou notifications d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’Etat de destination,

c) à la faculté, pour toute personne intéressée à une instance judiciaire, de faire procéder à des significations ou notifications d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’Etat de destination.

Somme toute, de la rédaction de cette stipulation, la cour infère que si elle ne vise pas les emails ou Facebook, elle ne s’y oppose pas non plus, d’autant plus que l’Inde n’a pas fait usage de la faculté reconnue aux parties contractantes à cette Convention de s’opposer à certaines modalités pratiques de communication de pièces et documents judiciaires.

Au regard du Due Process, la question de la transmission de pièces et de documents à la défense (mais plus généralement à l’autre partie) se pose différemment selon qu’il s’agit d’emails ou de Facebook. Pour la cour, lorsqu’il s’agit d’emails, les exigences du Due Process sont satisfaites dès lors qu’il existe une forte probabilité pour que l’email parvienne effectivement à son destinataire et que ce dernier puisse, par voie de conséquence, y répondre ou produire des écritures en réplique ou en duplique.

Pour ce qui est d’un message Facebook – envoi d’un message Facebook à chacun des défendeurs, à son compte Facebook, avec en pièces jointes les documents idoines − les destinataires (les mis en cause en l’espèce) sont supposés accéder à ces messages à la faveur de leur connexion à leur compte Facebook, le cas échéant après avoir reçu une notification sur leur boîte email par Facebook de ce qu’ils ont reçu un message sur leur compte Facebook. La cour convient de ce que les choses sont sensiblement différentes par rapport aux emails dans la mesure où la probabilité d’une réception effective des pièces par le destinataire peut être compromise par le fait que les profils Facebook peuvent ne pas être authentiques : faux profils, usurpations d’identité, profils dont l’incomplétude des informations ne permet pas d’authentifier l’identité de leurs titulaires, difficulté de savoir si la fonction messagerie d’un profil Facebook est active, etc.

Cela n’a pas suffi à dissuader la cour d’accéder à la demande des procureurs fédéraux, ce pour différentes raisons : la preuve a été apportée par ces derniers de ce que les profils Facebook des personnes concernées ont été authentifiés et que les intéressés sont actifs sur leurs profils Facebook ; les procureurs fédéraux transmettraient les pièces en question aussi bien par Facebook que par emails. Aux yeux de la cour, cela fait une différence avec une autre affaire dans laquelle un autre juge fédéral avait refusé d’accéder à une demande d’une dépendance de JPMorgan Chase & Co de notifier à une personne par son compte Facebook l’existence d’une plainte civile à son encontre. Dans cette espèce, JPMorgan n’avait pas fourni des éléments permettant de s’assurer de l’authenticité et du fonctionnement du compte Facebook.

L’histoire enseigne, écrit le juge Engelmayer (p. 10), qu’à mesure que les techniques de communication progressent, les tribunaux doivent être ouverts aux demandes d’utilisation des techniques les plus récentes plutôt que de les rejeter d’office du fait même de leur nouveauté.

Pascal Mbongo
20 mars 2013

Lire la décision Federal Trade Commission v. PCCare247 Inc., 7 mars 2013

Constitution – Due process of Law – Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale

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