Emmanuel Macron et le fair-play constitutionnel

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin et les législatives qui ont suivi, aucun constitutionnaliste n’a pu faire la démonstration de ce que « l’esprit de la Constitution » ou « la lettre de la Constitution » imposait au président de la République de démissionner ou de nommer Lucie Castets Premier ministre. Or, il existe un troisième prisme d’interprétation de la Constitution (outre « la lettre » et « l’esprit ») pour justifier comme impératif catégorique chacune de ces deux décisions (hypothétiques) : le fair-play constitutionnel. Dans le sillage de ce que nous avons dit de ce concept dans le Dictionnaire encyclopédique de l’État (entrée « Constitution »), dans Trump. Histoire d’un vandalisme institutionnel , il est soutenu que ses violations furent le point commun des usages et mésusages controversés de la Constitution par le président Donald Trump :

« Ce principe désigne le fait pour les détenteurs de mandats électoraux, de fonctions électives ou gouvernementales, ainsi que pour les impétrants à ces charges constitutionnelles, de s’abstenir d’agir d’une manière qui, quand bien même ne serait-elle pas une violation du droit, apparaîtrait néanmoins au sens commun comme étant contraire aux idéaux démocratiques et libéraux de la Constitution ou de nature à saper la confiance et l’assentiment des citoyens que ces idéaux supposent pour être effectifs. Le fair-play constitutionnel est un principe substantiel qui ne se recoupe pas avec les concepts formels de « coutumes constitutionnelles » ou de « conventions de la Constitution » appliqués à des pratiques des acteurs constitutionnels caractérisés par leur répétition stable et, hypothétiquement s’agissant des « coutumes constitutionnelles », par leur opposabilité par les tribunaux. Il arrive que la Constitution ou la loi, avisée de la nature humaine, prescrive elle-même une règle de fair-play. Tel est le cas lorsque la modification des lois électorales est interdite dans une certaine période antérieure à une nouvelle échéance électorale. Tel est encore le cas lorsqu’il est interdit à des candidats élus sous une étiquette partisane de rejoindre une autre affiliation durant leur mandat.

Rares sont les acteurs politiques qui parviennent à ne jamais céder à la tentation de violer une règle de fair-play constitutionnel afin de maximiser leur intérêt politique ou leur pouvoir. Même en faisant abstraction des non-lieux et de l’acquittement dont il a bénéficié dans ce qu’il a été convenu d’appeler l’affaire russe et l’affaire ukrainienne, ce qui singularise le président Donald Trump c’est que ses violations du fair-play constitutionnel furent régulières, systématiques et désinhibées ».

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