Immunité pénale du président : Cour suprême, Trump v. United States, 1er juillet 2024

Historiquement, la question de savoir si un président en exercice peut être inculpé pénalement a été controversée. Deux mémos du Bureau du conseiller juridique du Département de la Justice (en 1973 et en 2000) soutinrent que le président ne pouvait pas être inculpé pendant son mandat, car cela pourrait interférer de manière significative avec ses fonctions constitutionnelles. Ces mémos ont été rédigés dans le contexte des enquêtes sur les présidents Nixon et Clinton.
La Cour suprême des États-Unis n’avait pas eu à statuer vraiment sur la question plus générale de l’immunité pénale du président. Certaines décisions avaient néanmoins abordé des aspects connexes :
Dans Nixon v. Fitzgerald (1982) : La Cour suprême a statué que le président bénéficie d’une immunité absolue contre les poursuites civiles pour les actions commises dans le cadre de ses fonctions officielles.
Dans Clinton v. Jones (1997) : La Cour suprême a décidé que le président n’est pas à l’abri de poursuites civiles pour des actions privées non liées à ses fonctions officielles. Dans Trump v. United States du 1er juillet 2024, la Cour suprême développe une doctrine plus générale de l’immunité pénale du président en exercice ou d’un ancien président pour des faits accomplis pendant qu’il était en fonction.
Un grand jury fédéral a inculpé l’ancien président Donald J. Trump de quatre chefs d’accusation pour des faits survenus pendant sa présidence, après l’élection de novembre 2020. L’acte d’accusation affirme qu’après avoir perdu cette élection, M. Trump a conspiré pour la renverser en diffusant sciemment de fausses allégations de fraude électorale afin d’entraver la collecte, le dépouillement et la certification des résultats de l’élection. M. Trump a demandé le rejet de l’acte d’accusation en invoquant l’immunité présidentielle, faisant valoir qu’un président jouit d’une immunité absolue contre les poursuites pénales pour les actes accomplis dans le cadre de ses responsabilités officielles, et que les allégations de l’acte d’accusation relevaient du cœur de ses fonctions officielles. Le tribunal de district a rejeté la demande de rejet de M. Trump, estimant que les anciens présidents ne bénéficient pas de l’immunité pénale fédérale pour quelque acte que ce soit. La Cour d’appel du district de Columbia a confirmé cette décision. Le tribunal de district et la cour de circuit du district de Columbia ont tous deux refusé de décider si le comportement incriminé relevait d’actes officiels.
La Cour suprême conclut (dans le présent arrêt) :
Dans le cadre de notre structure constitutionnelle de séparation des pouvoirs, la nature du pouvoir présidentiel confère à un ancien président une immunité absolue contre les poursuites pénales pour les actes relevant de son autorité constitutionnelle concluante et préclusive. Il a également droit à une immunité au moins présumée pour tous ses actes officiels. Il n’y a pas d’immunité pour les actes non officiels (p. 5-43).
(a) Cette affaire est la première poursuite pénale de l’histoire de notre pays à l’encontre d’un ancien président pour des actes commis pendant sa présidence. Pour déterminer si et dans quelles circonstances de telles poursuites peuvent être engagées, il convient d’évaluer soigneusement l’étendue du pouvoir présidentiel en vertu de la Constitution. La nature de ce pouvoir exige qu’un ancien président jouisse d’une certaine immunité contre les poursuites pénales pour les actes officiels qu’il a accomplis pendant son mandat. Cette immunité doit être absolue, au moins en ce qui concerne l’exercice par le président de ses principaux pouvoirs constitutionnels. En ce qui concerne les autres actes officiels, il a droit à une immunité au moins présumée. (p. 5-15).
(1)
L’article II de la Constitution confère le « pouvoir exécutif » à « un président des États-Unis d’Amérique ». §1, cl. 1. Le président a des devoirs « d’une gravité et d’une ampleur inégalées ». Trump v. Vance, 591 U.S. 786, 800. Son pouvoir d’agir « découle nécessairement d’une loi du Congrès ou de la Constitution elle-même » (Youngstown Sheet & Tube Co. v. Sawyer, 343 U. S. 579, 585). Dans ce dernier cas, l’autorité du président est parfois « concluante et préclusive ». (Idem, p. 638 - Jackson, J., concourant).
Lorsque le président exerce cette autorité, le Congrès ne peut pas agir sur les actions du président et les tribunaux ne peuvent pas les examiner. Il s’ensuit qu’une loi du Congrès - qu’il s’agisse d’une loi spécifique visant le président ou d’une loi d’application générale - ne peut pas criminaliser les actions du président dans le cadre de son pouvoir constitutionnel exclusif. Les tribunaux ne peuvent pas non plus se prononcer sur des poursuites pénales portant sur de telles actions présidentielles. La Cour conclut donc que le président est absolument à l’abri de poursuites pénales pour des actes relevant de sa sphère exclusive d’autorité constitutionnelle (p.6-9).
(2) Tous les actes officiels du président ne relèvent pas de son autorité « concluante et préclusive ». Les raisons qui justifient l’immunité absolue du président contre les poursuites pénales pour les actes relevant de son autorité constitutionnelle exclusive ne s’étendent pas à la conduite dans les domaines où son autorité est partagée avec le Congrès.
Pour déterminer l’immunité du président dans ce contexte, la Cour s’appuie principalement sur la conception qu’ont les auteurs de la Constitution de la présidence dans le cadre de la séparation des pouvoirs, sur les précédents relatifs à l’immunité présidentielle dans le contexte civil et sur les affaires pénales dans lesquelles un président a résisté à des demandes de documents de la part de l’accusation (p. 9).
(i)
Les auteurs de la Constitution ont conçu la présidence de manière à ce que l’exécutif soit « vigoureux » et « énergique » (The Federalist No. 70, pp. 471-472 (J. Cooke ed. 1961) (A. Hamilton). Ils ont investi le président de « responsabilités de supervision et de politique d’une discrétion et d’une sensibilité extrêmes » (Nixon v. Fitzgerald, 457 U. S. 731, 750).Consciente des « risques uniques » qui surviennent lorsque les énergies du président sont détournées par des procédures susceptibles de le rendre « indûment prudent dans l’exercice de ses fonctions officielles », la Cour a reconnu les immunités et privilèges présidentiels « enracinés dans la tradition constitutionnelle de la séparation des pouvoirs et étayés par notre histoire » (Idem, p. 749, 751, 752, n. 32). Dans l’affaire Fitzgerald, par exemple, la Cour a conclu qu’un ancien président a droit à une immunité absolue contre « la responsabilité en matière de dommages et intérêts pour des actes relevant du “périmètre extérieur” de sa responsabilité officielle » (Idem, p. 756). La « préoccupation dominante » de la Cour était d’éviter « que l’attention du président ne soit détournée pendant le processus de prise de décision par une inquiétude inutile quant à la possibilité d’actions en dommages-intérêts découlant d’une décision officielle particulière » (Clinton v. Jones, 520 U. S. 681, 694, n. 19). En revanche, lorsque les procureurs ont cherché à obtenir des preuves auprès du président, la Cour a systématiquement rejeté les prétentions présidentielles à l’immunité absolue.
Au cours du procès pour trahison de l’ancien vice-président Aaron Burr, par exemple, le président de la Cour Marshall a rejeté l’argument du président Thomas Jefferson selon lequel le président ne pouvait être soumis à une citation à comparaître. Marshall a toutefois reconnu simultanément l’existence d’un « privilège » permettant de ne pas divulguer certains « papier[s] officiel[s] » (United States v. Burr, 25 F. Cas.187, 192 (No. 14,694) (CC Va.)). Et lorsqu’une assignation à comparaître a été délivrée au président Richard Nixon, la Cour a rejeté sa revendication de « privilège absolu » (United States v. Nixon, 418 U. S. 683, 703). Mais reconnaissant « l’intérêt du public pour des opinions franches, objectives et même émoussées ou sévères dans la prise de décision présidentielle », elle a jugé qu’un « privilège présumé » protégeait les communications présidentielles (Idem, p. 708). Parce que ce privilège « est lié à l’exercice effectif des pouvoirs du président » (idem, p. 711), la Cour l’a jugé « fondamental pour le fonctionnement du gouvernement et inextricablement enraciné dans la séparation des pouvoirs en vertu de la Constitution » (Idem, p. 708. p. 9-12).
(ii) Poursuivre pénalement un président pour sa conduite officielle représente indubitablement une menace d’intrusion dans l’autorité et les fonctions du pouvoir exécutif bien plus grande que la simple recherche de preuves en sa possession.
Le danger est plus grand que celui qui a conduit la Cour à reconnaître l’immunité présidentielle absolue en matière de responsabilité civile pour dommages-intérêts, à savoir que le Président serait dissuadé de prendre « l’action audacieuse et sans hésitation » requise d’un exécutif indépendant (Fitzgerald, 457 U. S., 745). Bien que le président puisse être exposé à moins de poursuites pénales que de poursuites civiles en dommages-intérêts, la menace d’un procès, d’un jugement et d’une peine d’emprisonnement est beaucoup plus dissuasive et manifestement plus susceptible de fausser la prise de décision présidentielle que le paiement potentiel de dommages-intérêts civils. L’hésitation à exécuter les devoirs de sa charge sans crainte et équitablement qui pourrait résulter lorsqu’un président prend des décisions sous « une menace de poursuites potentielles » (McDonnell v. United States, 579U.S. 550, 575), soulève des « risques uniques pour le fonctionnement efficace du gouvernement » (Fitzgerald, 457 U. S., 751). Mais il existe également un « intérêt public impérieux dans l’application équitable et efficace de la loi » (Vance, 591 U. S., 808).
Compte tenu de ces considérations contradictoires, la Cour conclut que les principes de séparation des pouvoirs énoncés dans les précédents de la Cour nécessitent au moins une immunité présumée contre les poursuites pénales pour les actes du président qui se situent dans le périmètre extérieur de sa responsabilité officielle.
Une telle immunité est nécessaire pour sauvegarder l’indépendance et le bon fonctionnement du pouvoir exécutif et pour permettre au président de s’acquitter de ses obligations constitutionnelles sans trop de précautions. Au minimum, le président doit bénéficier d’une immunité de poursuites pour un acte officiel, à moins que le gouvernement ne puisse démontrer que l’application d’une interdiction pénale à cet acte ne présenterait aucun « danger d’intrusion dans l’autorité et les fonctions du pouvoir exécutif » (Fitzgerald, 457 U. S., 754. p.12-15°).
(3)
En ce qui concerne les actes non officiels d’un président, il n’y a pas d’immunité. Bien que l’immunité présidentielle soit requise pour les actes officiels afin de garantir que la prise de décision du président ne soit pas faussée par la menace d’un litige futur découlant de ces actes, cette préoccupation ne justifie pas l’immunité pour les actes non officiels (Clinton, 520 U. S., 694, et n. 19). La séparation des pouvoirs n’interdit pas une poursuite fondée sur les actes non officiels du président (p. 15).
(b)
La première étape pour décider si un ancien président a droit à l’immunité contre une poursuite particulière consiste à distinguer ses actions officielles de ses actions non officielles. En l’espèce, aucune juridiction n’a jusqu’à présent établi cette distinction, que ce soit de manière générale ou en ce qui concerne le comportement allégué en particulier. Il incombe donc à la Cour de garder à l’esprit qu’elle est « une juridiction de contrôle final et non de première instance » (Zivotofsky v. Clinton, 566 U.S. 189, 201). Les questions essentielles dans cette affaire sont de savoir comment différencier les actions officielles et non officielles d’un président, et comment le faire au regard des allégations étendues et détaillées de l’acte d’accusation qui couvrent un large éventail de comportements. La Cour propose des orientations sur ces questions (p.16-32).
(1)
Lorsque le président agit en vertu d’une « autorité constitutionnelle et statutaire », il prend des mesures officielles pour exercer les fonctions de sa charge (Fitzgerald, 456 U. S., p. 757). Pour déterminer si une action est couverte par l’immunité, il faut donc commencer par évaluer le pouvoir du président de prendre cette action. Mais l’étendue des « responsabilités discrétionnaires » du président en vertu de la Constitution et des lois des États-Unis rend souvent « difficile de déterminer laquelle de [ses] innombrables “fonctions” englobe une action particulière » (Idem, p. 756). L’immunité reconnue par la Cour s’étend donc au « périmètre extérieur » des responsabilités officielles du président, couvrant les actions tant qu’elles ne dépassent pas « manifestement ou de manière palpable [son] autorité » (Blassingame v. Trump, 87 F. 4th 1, 13 (CADC)).
En distinguant la conduite officielle de la conduite non officielle, les tribunaux ne peuvent pas enquêter sur les motivations du président. Une telle enquête « très intrusive » risquerait d’exposer même les cas les plus évidents de conduite officielle à un examen judiciaire sur la base d’une simple allégation d’objectif inapproprié. (Fitzgerald, 457 U. S., 756). Les tribunaux ne peuvent pas non plus considérer qu’une action n’est pas officielle simplement parce qu’elle est censée violer une loi généralement applicable. Sinon, les présidents pourraient être jugés sur « chaque allégation d’illégalité d’une action », ce qui priverait l’immunité de l’effet escompté (Ibid. p.17-19).
(2) En gardant à l’esprit les principes ci-dessus, la Cour se penche sur le comportement allégué dans l’acte d’accusation. Certaines allégations - telles que celles concernant les discussions de Trump avec le procureur général par intérim - sont facilement classées à la lumière de la nature de la relation officielle du président avec le poste occupé par cette personne. D’autres allégations - telles que celles concernant les interactions de Trump avec le vice-président, les représentants de l’État et certaines parties privées, ainsi que ses commentaires au grand public - posent des questions plus difficiles (p.19-30).
(i)
L’acte d’accusation allègue que, dans le cadre de leur conspiration visant à renverser les résultats légitimes de l’élection présidentielle de 2020, Trump et ses co-conspirateurs ont tenté de tirer parti du pouvoir et de l’autorité du ministère de la Justice pour convaincre certains États de remplacer leurs grands électeurs légitimes par les listes électorales frauduleuses de Trump. Selon l’acte d’accusation, M. Trump a rencontré le procureur général par intérim et d’autres hauts fonctionnaires du ministère de la justice et de la Maison Blanche pour discuter d’une enquête sur une prétendue fraude électorale et de l’envoi d’une lettre du ministère à ces États concernant cette fraude. L’acte d’accusation affirme en outre qu’après que le procureur général par intérim a résisté aux demandes de M. Trump, ce dernier a menacé à plusieurs reprises de le remplacer.
Le gouvernement ne conteste pas que les allégations de l’acte d’accusation concernant le ministère de la Justice impliquent l’utilisation par Trump de son pouvoir officiel. En fait, les allégations impliquent clairement l’autorité « concluante et préclusive » de Trump. Le pouvoir exécutif a « l’autorité exclusive et la discrétion absolue » de décider quels crimes doivent faire l’objet d’une enquête et de poursuites, y compris en ce qui concerne les allégations de crime électoral (Nixon, 418 U. S., 693).
Et la « gestion du pouvoir exécutif » par le président exige qu’il ait « le pouvoir illimité de révoquer les plus importants de ses subordonnés » - tels que le procureur général - « dans leurs fonctions les plus importantes » (Fitzgerald, 457 U. S., à 750). Les allégations de l’acte d’accusation selon lesquelles les enquêtes demandées étaient des simulacres ou proposées dans un but inapproprié ne privent pas le président de son autorité exclusive sur les fonctions d’enquête et de poursuite du ministère de la justice et de ses fonctionnaires. Étant donné que le président ne peut être poursuivi pour une conduite relevant de son autorité constitutionnelle exclusive, Trump est absolument à l’abri de toute poursuite pour la conduite présumée concernant ses discussions avec les fonctionnaires du ministère de la Justice (p.19-21).
(ii)
L’acte d’accusation allègue ensuite que Trump et ses co-conspirateurs « ont tenté d’enrôler le vice-président pour qu’il utilise son rôle cérémoniel lors de la procédure de certification du 6 janvier afin de modifier frauduleusement les résultats de l’élection » (App.187, Acte d’accusation 10(d)). En particulier, l’acte d’accusation fait état de plusieurs conversations au cours desquelles Trump a fait pression sur le vice-président pour qu’il rejette les votes électoraux légitimes des États ou qu’il les renvoie aux assemblées législatives des États pour qu’elles les révisent.
Chaque fois que le président et le vice-président discutent de leurs responsabilités officielles, ils adoptent un comportement officiel.
Présider la procédure de certification du 6 janvier, au cours de laquelle les membres du Congrès comptent les voix des électeurs, est une obligation constitutionnelle et statutaire du vice-président. Art. II, §1, cl. 3 ; Amdt. 12 ; 3 U. S. C. §15. Les allégations de l’acte d’accusation selon lesquelles Trump a tenté de faire pression sur le vice-président pour qu’il prenne des mesures particulières dans le cadre de son rôle lors de la procédure de certification impliquent donc une conduite officielle, et Trump bénéficie au moins d’une présomption d’immunité contre les poursuites pour une telle conduite.
La question est alors de savoir si cette présomption d’immunité est renversée dans les circonstances. Il incombe au gouvernement de renverser la présomption d’immunité. La Cour renvoie donc à la District Court pour qu’elle évalue en premier lieu si des poursuites concernant les tentatives présumées de Trump d’influencer le contrôle de la procédure de certification par le vice-président présenteraient des risques d’intrusion dans l’autorité et les fonctions du pouvoir exécutif (p.21-24).
(iii) Les autres allégations de l’acte d’accusation concernent les interactions de Trump avec des personnes extérieures au pouvoir exécutif : fonctionnaires d’État, parties privées et grand public.
En particulier, l’acte d’accusation affirme que Trump et ses complices ont tenté de convaincre certains fonctionnaires d’État que la fraude électorale avait faussé le décompte du vote populaire dans leur État et que, par conséquent, les voix électorales en faveur de l’adversaire de Trump devaient être remplacées par des voix électorales en faveur de Trump. Après avoir échoué à convaincre ces fonctionnaires de modifier les procédures de leur État, lui et ses co-conspirateurs auraient élaboré et mis en œuvre un plan visant à soumettre des listes frauduleuses de grands électeurs afin d’entraver la procédure de certification. Selon Trump, la conduite alléguée est qualifiée d’officielle parce qu’elle a été entreprise pour assurer l’intégrité et la bonne administration des élections fédérales. Toutefois, selon le gouvernement, M. Trump ne peut citer aucune source d’autorité plausible permettant au président de prendre de telles mesures. La Cour renvoie donc à la Cour de district le soin de déterminer en premier lieu si la conduite de Trump dans ce domaine peut être qualifiée d’officielle ou de non officielle (p. 24-28).
(iv) L’acte d’accusation contient également diverses allégations concernant le comportement de Trump en relation avec les événements du 6 janvier lui-même. Le comportement présumé consiste principalement en des communications de Trump sous la forme de tweets et d’un discours public. Le président possède « le pouvoir extraordinaire de s’adresser à ses concitoyens et de parler en leur nom » (Trump v. Hawaii, 585 U. S. 667, 701). Ainsi, la plupart des communications publiques d’un président sont susceptibles de se situer confortablement dans le périmètre extérieur de ses responsabilités officielles. Il peut cependant y avoir des contextes dans lesquels le président s’exprime à titre non officiel, peut-être en tant que candidat à un poste ou chef de parti. Dans la mesure où cela peut être le cas, une analyse objective du « contenu, de la forme et du contexte » éclairera nécessairement l’enquête (Snyder v. Phelps, 562 U. S. 443, 453). La question de savoir si les communications alléguées dans l’acte d’accusation impliquent une conduite officielle peut dépendre du contenu et du contexte de chacune d’entre elles. Cette analyse nécessairement factuelle est mieux réalisée dans un premier temps par le tribunal de district. La Cour renvoie donc l’affaire au tribunal de district pour qu’il détermine en premier lieu si le comportement allégué est officiel ou non officiel (p. 28-30).
(3)
Les présidents ne peuvent pas être inculpés sur la base d’un comportement pour lequel ils ne sont pas poursuivis. Sur renvoi, la District Court doit analyser soigneusement les autres allégations de l’acte d’accusation afin de déterminer si elles impliquent également une conduite pour laquelle un président doit être immunisé contre les poursuites. Les parties et la District Court doivent s’assurer que des allégations suffisantes soutiennent les accusations de l’acte d’accusation en l’absence d’un tel comportement. Les témoignages ou les dossiers privés du président ou de ses conseillers concernant ce type de conduite ne peuvent être admis comme preuves au procès (p. 30-32).
(c)
Trump fait valoir une immunité bien plus large que celle, limitée, que la Cour reconnaît, en soutenant que l’acte d’accusation doit être rejeté parce que la clause du jugement d’impeachment exige que l’impeachment et la condamnation par le Sénat précèdent les poursuites pénales d’un président. Mais le texte de la clause ne précise pas si et pour quelle raison un président peut être poursuivi s’il n’a jamais été mis en accusation et condamné. Voir Art. I, § 3, cl. 7. De même, les preuves historiques n’apportent que peu de soutien à la position de Trump.
Les Federalist Papers sur lesquels Trump s’appuie concernaient les moyens de contrôle disponibles contre un président en exercice ; ils n’ont pas approuvé ni même examiné la question de savoir si la clause du jugement d’impeachment immunise un ancien président contre les poursuites. Transformer le processus politique de destitution en une étape nécessaire à l’application du droit pénal ne trouve guère de soutien dans le texte de la Constitution ou dans la structure du gouvernement de la nation.Pp.32-34.
(d)
Le gouvernement adopte un point de vue tout aussi large, soutenant que le président ne jouit d’aucune immunité contre des poursuites pénales pour quelque action que ce soit. De son point de vue, les contestations d’application au cours du procès suffisent à protéger les intérêts de l’article II, et l’examen des décisions d’un tribunal de district sur ces contestations devrait être reporté après le procès. Toutefois, les questions relatives à la possibilité de tenir le président pour responsable d’actes particuliers, conformément à la séparation des pouvoirs, doivent être abordées dès le début de la procédure. Même si le président n’était finalement pas jugé responsable de certains actes officiels, la seule possibilité d’une procédure prolongée pourrait le rendre « indûment prudent dans l’exercice de ses fonctions officielles » (Fitzgerald, 457 U. S., 752, n. 32. La Constitution ne tolère pas de telles entraves au « fonctionnement efficace du gouvernement » (Idem, p. 751 p. 34-37).
(e) Cette affaire pose une question d’une importance durable :
Quand un ancien président peut-il être poursuivi pour des actes officiels accomplis pendant sa présidence ? Pour répondre à cette question, contrairement aux pouvoirs politiques et à l’opinion publique, la Cour ne peut se permettre de se focaliser exclusivement, ou même principalement, sur les exigences actuelles. Les principes immuables de la séparation des pouvoirs guident notre décision dans cette affaire. Le président ne jouit d’aucune immunité pour ses actes non officiels, et tout ce qu’il fait n’est pas officiel. Le président n’est pas au-dessus de la loi. Mais dans le cadre de notre système de séparation des pouvoirs, le président ne peut être poursuivi pour avoir exercé ses principaux pouvoirs constitutionnels et il a droit à une immunité au moins présumée contre les poursuites pour ses actes officiels. Cette immunité s’applique également à tous les occupants du Bureau ovale (p. 41-43).
91 F. 4th 1173, annulé et renvoyé.
ROBERTS, C. J., a rendu l’arrêt de la Cour, auquel THOMAS, ALITO, GORSUCH et KAVANAUGH, JJ, se sont ralliés en totalité, et auquel BARRETT, J., s’est rallié à l’exception de la partie III-C. Le juge THOMAS a déposé une opinion concordante. BARRETT, J., a déposé une opinion concordante en partie.
Le juge SOTOMAYOR a déposé une opinion dissidente à laquelle se sont joints les juges KAGAN et JACKSON. JACKSON, J., a déposé une opinion dissidente.

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