En vertu du XXe amendement de la Constitution américaine, ratifié en 1933, le mandat du nouveau président et du nouveau vice-président ne débute qu’après une période de transition de onze semaines : le jour de l’entrée en fonctions du nouveau président est fixé au 20 janvier (Inauguration Day) 1.
Cette période précédant la passation des pouvoirs présidentiels revêt un caractère important dans la mesure où, dans ce laps de temps très court, le président élu va devoir s’acquitter de tâches importantes : nommer les membres de son cabinet et ses principaux collaborateurs ; pourvoir – dans le cadre du spoils system (système des dépouilles) – à ceux des emplois supérieurs de l’appareil administratif fédéral et des agences fédérales dont la nomination relève de la compétence du président ; prendre connaissance des dossiers en cours ; élaborer des stratégies pour la mise en oeuvre de son programme.
La période précédant la passation des pouvoirs présidentiels, comprise entre l’Election Day et le jour de l’entrée en fonctions, était à l’origine d’une durée de quatre mois. Après l’adoption de la Constitution américaine en 1787, le premier gouvernement était entré en fonctions le 4 mars 1789, cette date ayant alors été établie comme celle de l’Inauguration Day. Mais les problèmes générés par une trop longue période de transition amenèrent le Congrès à adopter et à ratifier, en 1933, le XXe amendement afin d’avancer la date de commencement du mandat du président élu 2.
La période de transition pose en effet deux problèmes principaux. Tout d’abord, le Congrès siège la plus grande partie de l’année mais la Constitution dispose qu’il doit y avoir une session parlementaire commençant chaque année le 3 janvier, soit 17 jours avant la prise de fonctions du nouveau président. Dès lors, les possibilités de travail du Congrès sont fortement limitées par la perspective de l’entrée en fonctions prochaine du nouveau président. D’autre part, cette période génère un paradoxe 3 : en effet, le président légal ne bénéficie plus de la légitimité populaire, mais conserve l’autorité constitutionnelle pour agir en tant que président ; au contraire, le président élu dispose du soutien du peuple, mais ne possède aucune autorité légale pour agir. C’est cette situation qui est communément qualifiée de lame-duck administration 4.
La Constitution américaine ne se préoccupe explicitement que de certains aspects formels de la passation des pouvoirs présidentiels. Ainsi l’article II section 1, complété par les dispositions du XIIème amendement, définit la durée du mandat présidentiel et la procédure d’élection du président, et fixe dans son dernier alinéa le serment que celui-ci doit prêter. La date de l’entrée en fonctions (Inauguration Day) du nouveau président est quant à elle fixée par le XXe amendement. Certains juristes américains ont néanmoins pu inférer, de trois clauses de la Constitution, des obligations constitutionnelles substantielles pour le président sortant pendant la période de passation des pouvoirs 5 : la Term Clause de l’article I section 1 alinéa 1 6 ; l’Oath Clause de l’article II section 1 alinéa 8 7 ; la Take Care Clause de l’article I section 3 8. Ainsi, la première de ces clauses imposerait une obligation élémentaire et concrète pour le président : celle de devoir quitter sa fonction à la fin de son mandat afin de permettre l’entrée en fonctions du nouveau président. Quant à la clause du serment, l’on a pu en déduire un devoir du président d’informer le président élu de tout danger imminent, afin de ne pas compromettre l’application effective de la Constitution. La question est ouverte de savoir si cette déclinaison de la clause du serment est circonscrite à des périls extérieurs ou si elle peut valoir pour des périls intérieurs relevant du droit criminel ou du droit administratif fédéral (catastrophes naturelles, émeutes, etc.). La Take Care Clause est pour sa part réputée imposer au président sortant, entre autres choses, un devoir de s’assurer du bon déroulement des élections ainsi qu’une obligation de fournir à son successeur les moyens d’assurer la continuité de l’État et la légalité dès le premier jour de son mandat.
Loin de se satisfaire de ces interprétations doctrinales, ni d’ailleurs des pratiques et autres usages formés par les présidents afin de faciliter une transition ordonnée et efficace, les pouvoirs publics fédéraux se sont attachés à codifier autant que faire se peut la transition présidentielle (…).
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