Le privilège de l’exécutif aux États-Unis : un camaïeu constitutionnel

L’une des premières occurrences du privilège de l’exécutif dans l’histoire américaine remonte à 1792. Après la défaite en novembre 1791 de l’armée américaine dirigée par le Général Arthur St. Clair face à des forces indiennes confédérées, le Congrès décida d’une enquête qui obligea le président George Washington à s’enquérir auprès de ses collaborateurs de sa faculté de soustraire à cette enquête des informations et des documents confidentiels en la possession de l’exécutif (voir : Archibald Cox, « Executive Privilege », 122 U. Pa. L. Rev. 1383, 1395-1405 (1979). Voir également Mark J. Rozell, Executive Privilege : Presidential Powers, Secrecy, and Accountability, 2e éd., rev. 2002 ; Mark J. Rozell, « Executive Privilege and Modern Presidents : In Nixon’s Shadow », 83 Minn. L. Rev. 1069 (1999)).

Définition

La définition communément donnée de cette prérogative non expressément prévue par la Constitution des Etats-Unis veut que le privilège de l’exécutif consiste en « l’aptitude du président de garder secrètes les conversations et les notes échangées avec ses conseillers ». Or, d’une part, le privilège de l’Exécutif ne se rapporte pas seulement au président des États-Unis puisqu’il est également susceptible de s’appliquer à l’activité des « ministres ». D’autre part, le privilège de l’Exécutif est également une donnée du droit constitutionnel des États dont peuvent se prévaloir les gouverneurs, par suite de son admission par différentes cours suprêmes d’État (certaines cours suprêmes ont néanmoins refusé de consacrer ce privilège de manière prétorienne pour ne l’admettre que pour autant qu’il est expressément énoncé dans une loi de l’État).

Le Watergate

C’est à la faveur de l’affaire du Watergate et du refus du président Nixon de communiquer au Congrès et à la justice ses enregistrements clandestins de ses conversations avec ses collaborateurs au sein du Bureau Ovale, que le privilège de l’exécutif devint particulièrement visible à l’opinion et aux commentateurs. Son invocation par les prédécesseurs de Richard Nixon est cependant établie. Ainsi, le président Kennedy décida que lui seul, au sein de l’exécutif, pouvait décider d’invoquer ce privilège. Et deux invocations du privilège contre des demandes du Congrès lui sont imputées. L’Administration Johnson l’invoqua à trois reprises. L’Administration Nixon invoqua le privilège à six reprises dont trois contre le Congrès et trois autres contre des ordonnances judiciaires. Les administrations Ford et Carter le sollicitèrent une fois chacune, l’Administration Reagan à trois reprises, le président George H. W. Bush une seule fois, en 1991, l’Administration Clinton à quatorze reprises, l’Administration George W. Bush à six reprises, l’Administration Obama une seule fois, en 2012 (voir à ce propos : Todd Garvey, Alissa M. Dolan, Presidential Claims of Executive Privilege : History, Law, Practice, and Recent Developments, 2012, Congressional Research Service, 7-5700, p. 35-39).

Les différentes décisions judiciaires relatives au privilège de l’exécutif intervenues dans le cadre de l’affaire du Watergate ont esquissé les contours contemporains du privilège de l’exécutif au niveau fédéral. L’une de ces décisions, Nixon v. Sirica, a été rendue en 1973 par la cour fédérale d’appel pour le circuit du District de Columbia. Alors que le président Nixon faisait valoir que l’invocation du privilège de l’exécutif n’était révocable par aucune autre autorité, la Cour fit valoir que les conversations et les échanges oraux du président étaient seulement présumés couverts par le privilège de l’exécutif, cette présomption pouvant être renversée si le pouvoir législatif ou le pouvoir judiciaire pouvait exciper d’une nécessité publique particulière à passer outre l’invocation du privilège par l’exécutif. Dans Senate Select Committee on Presidential Campaign Activities v. Nixon rendue en 1974, après le refus de Richard Nixon de transmettre à la commission d’enquête du Sénat cinq enregistrements précis, la même cour fédérale d’appel appliqua le principe posé dans Sirica dans un sens favorable au Congrès.

Dans sa première décision United States v. Nixon, celle de 1974, la Cour suprême était saisie du refus du président Nixon d’accéder au mandat judiciaire de transmission au procureur spécial Leon Jaworski d’enregistrements et de documents intéressant les conversations entre le président et ses plus proches collaborateurs. La Cour suprême rendit à l’unanimité un arrêt particulièrement méthodique. En premier lieu, elle trouva un double fondement constitutionnel au privilège de l’exécutif. Ce dernier, fit-elle valoir, est une conséquence de « la suprématie de chaque pouvoir à l’intérieur des limites de ses responsabilités constitutionnelles » et de la « séparation des pouvoirs ». En deuxième lieu, la Cour confirme que le privilège de l’exécutif est seulement présumé lorsqu’il est allégué par le pouvoir exécutif, sinon pourrait-il servir à d’autres fins que la protection de secrets militaires, diplomatiques, des secrets de sécurité nationale ou à faire échec à l’application des lois pénales. Aussi, précisa-t-elle, le privilège de l’exécutif n’est invocable que lorsque les communications présidentielles litigieuses sont intimement liées à l’exercice par le président de ses responsabilités et à l’élaboration de décisions publiques et à condition qu’un autre intérêt public fondamental ne puisse lui être opposé. Dans le cas d’espèce, la Cour commit donc une balance entre d’une part l’intérêt fonctionnel du président à préserver la confidentialité de ses échanges avec ses collaborateurs et, d’autre part, l’intérêt de la justice à disposer de preuves possibles de la commission d’une infraction. Cette balance fut en l’occurrence défavorable au président Nixon. Elle ne le fut pas moins en 1977 dans le second arrêt Nixon de la Cour suprême, Nixon v. Administrator of General Services. Il s’agissait cette fois d’une action judiciaire formée par Richard Nixon contre une loi confiant le soin à l’Administrator of General Services de recueillir les archives du président Nixon afin d’y distinguer entre ce qui relevait de sa vie privée et personnelle d’une part et ce qui relevait de son action publique et avait donc un intérêt pour la connaissance, les premiers documents devant être restitués au président démissionnaire. La Cour suprême admit que le Congrès était fondé à édicter ce texte en vue de l’exercice effectif de ses pouvoirs d’enquête, en vue de sa compréhension de ce qui avait pu arriver et en vue d’initiatives législatives vouées à éviter la répétition d’une affaire comme le Watergate.

Deliberative process privilege et Presidential Communications Privilege

Au niveau fédéral, le privilège de l’exécutif a une double déclinaison, le Deliberative process privilege d’une part et le Presidential Communications Privilege d’autre part. Certains errements langagiers ont, en effet, affecté certaines décisions judiciaires, qui ont pu donner à penser que le privilège de l’Exécutif serait le troisième élément d’un triptyque. La cour fédérale d’appel du Circuit du District de Columbia ‒ qui est la juridiction fédérale dont l’expertise fait autorité en la matière parce que c’est devant elle que sont formés la plupart des recours dirigés contre l’exécutif fédéral ‒ a cru pouvoir préciser en 1997 que : « Alors que le Presidential Communications Privilege et le Deliberative process privilege sont étroitement liés, les deux privilèges sont néanmoins distincts et ont des portées différentes. Les deux sont des privilèges de l’Exécutif voués à protéger la fabrique gouvernementale des décisions, mais l’un s’applique à la fabrique décisionnelle des membres du gouvernement, l’autre à la fabrique décisionnelle du président des États-Unis » (In re Sealed Case, 121 F. 3d 736-52). En 2008, la même cour fédérale d’appel est encore plus claire dans Loving v. Department of Defense lorsqu’elle décide que le Presidential Communications Privilege s’applique aux documents et communications qui « engagent directement le président » ou qui ont été « sollicités ou reçus » par les conseillers du président.

Une source de confusion en la matière vient de ce que le Deliberative process privilege a lui-même des appellations concurrentes dans la jurisprudence : Executive privilege ‒ Official Information privilege ‒ Deliberative process privilege ‒ Advice privilege ‒ Privilege for intragovernmental Communications ‒ Privilege for intra-advisory opinions, recommandations and deliberations ‒ etc.

La rhétorique déployée par les juges en vue de justifier le privilège de l’Exécutif est riche et variable d’une décision à une autre. Mais l’idée centrale en est que la qualité des décisions prises par le pouvoir exécutif serait compromise si les conseillers des ministres et du président étaient inhibés dans leurs opinions ou avis par la crainte de voir celles-ci portées à la connaissance du public. Aussi, le contentieux du privilège de l’Exécutif se rapporte-t-il souvent à la question de savoir si ce sont bien des opinions (des avis) plutôt que des faits que l’Exécutif entend protéger. Et si ces opinions et avis sont à la fois « pré-décisionnels » (predecisional) et « délibératifs » (deliberative). Voire s’ils émanent de conseillers immédiats et non de conseillers lointains du décideur (et donc de la décision) (Judicial Watch, Inc. v. Department of Justice, 365 F.3d 1108 (D.C. Cir. 2004)). La connaissance du privilège de l’Exécutif est d’autant moins aisément réductible à une « théorie générale » que ce privilège ne pose pas tout à fait les mêmes problèmes juridiques dans les trois contextes normatifs dans lesquels il peut intervenir :

‒ l’opposition du privilège de l’Exécutif à des demandes émanant du Congrès ;

‒ l’opposition du privilège de l’Exécutif à un tribunal ; avec cette précision des arrêts Nixon et Cheney (Cheney v. U.S. District Court for the District of Columbia, 2004) de la Cour suprême selon laquelle l’invocation du privilège de l’Exécutif n’est particulièrement problématique que lorsqu’elle peut empêcher l’application de la loi pénale. Autrement dit, la nature propre de la procédure pénale (soit la nécessité de condamner qui doit l’être et de ne pas condamner l’innocent), l’urgence et l’importance des assignations judiciaires en matière pénale font que l’invocation du privilège de l’Exécutif est plus problématique en matière pénale qu’en matière civile ;

‒ l’opposition du privilège de l’Exécutif à des demandes d’information faites sur le fondement du Freedom of Information Act ; la doctrine de l’administration fédérale (voir dans le même sens NLRB v. Sears, Roebuck & co., 421 U.S. 150, 1975) est que le privilège de l’Exécutif est en réalité codifié dans la règle d’exemption n° 5 du Freedom of Information Act.

Fast and Furious

Dans les années récentes, l’affaire Fast and Furious fut l’occasion d’un long conflit entre la Maison-Blanche et le Congrès, l’exécutif invoquant alors le privilège de l’exécutif. Fast and Furious est le nom de code d’une opération spéciale d’application de la loi initiée conjointement par le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) – une dépendance du Département du Trésor ‒ et par le procureur fédéral du District de l’Arizona avant l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis. Le but de cette opération était d’endiguer la circulation illicite d’armes à feu depuis le territoire des Etats-Unis et à destination des cartels mexicains de la drogue.

Cette opération a supposément consisté en l’usage d’une technique d’enquête policière réputée dangereuse et connue sous l’appellation de gunwalking. Ainsi, au lieu d’intervenir et de procéder à la saisie des armes illégalement commercialisées, les agents de l’antenne locale de l’ATF à Phoenix auraient laissé à maintes reprises des intermédiaires ‒ connus par eux comme étant des acheteurs de paille s’approvisionnant auprès de vendeurs d’armes en Arizona travaillant eux-mêmes avec les agents fédéraux ‒ s’en aller avec les armes qui furent effectivement livrées à des organisations criminelles et à des cartels mexicains de la drogue, ce qui était supposé permettre de remonter jusqu’aux dirigeants de ces organisations.

À la fin de l’année 2009, les agents fédéraux de l’ATF en poste au Mexique s’avisèrent de ce que de nombreuses armes utilisées au Mexique avaient été répertoriées par l’antenne de Phoenix de l’ATF et que ces armes étaient de plus en plus associées à des crimes commis avec violence. Les agents de terrain de l’ATF au Mexique informèrent leur hiérarchie locale de ce qui leur semblait « anormal » et cette hiérarchie locale se tourna elle-même par acquit de conscience vers l’antenne de l’ATF à Phoenix ainsi que vers leur administration centrale à Washington. Autant l’antenne de l’AFT à Phœnix refusa aux agents en poste au Mexique l’accès à leurs informations, alors que celles-ci intéressaient directement l’activité de l’ATF au Mexique, autant la même antenne de Phœnix et le Département de la Justice assurèrent les agents en poste au Mexique de ce que « tout était sous contrôle ». Les agents de l’ATF au Mexique ne continuèrent pas moins de constater l’augmentation d’armes (notamment des armes lourdes) répertoriées à Phoenix dans le cadre de l’opération Fast and Furious. Ils tirèrent d’autant plus la sonnette d’alarme que nombre de ces armes étaient désormais répertoriées dans des enquêtes criminelles diligentées en dehors du ressort de l’antenne de l’ATF de Phoenix.

Or loin de mettre fin à l’opération Fast and Furious, l’ATF et le Département de la Justice à Washington se sont plutôt félicités des bons résultats de l’enquête en question, repoussant son arrêt au mois de mars 2010, puis au mois de juillet 2010. Ce n’est qu’en décembre 2010 que cette opération prend fin, par suite du meurtre d’un agent de patrouille frontalière américaine (U.S. Border Patrol) avec une arme répertoriée à Phoenix dans le cadre de cette opération. Entre-temps, une arme de même nature avait servi en octobre 2010 lors de l’enlèvement et de l’exécution d’un fonctionnaire mexicain dont la sœur (Patricia Gonzalez Rodriguez) n’était autre que le procureur général de l’Etat Chihuahua. Et en mai 2011, des armes liées à l’opération Fast and Furious seront utilisées dans une fusillade entre la police fédérale mexicaine et des membres d’un cartel. De fait, cette opération et ses conséquences affectent considérablement les relations entre les Etats-Unis et le Mexique. Et son principe même – une sorte de laisser faire ‒ est analysé comme étant en contradiction avec les missions de l’ATF et le savoir-faire opérationnel de ses agents. Dans le cadre de l’enquête qu’elle diligente sur l’opération Fast and Furious ‒ enquête concurrente des enquêtes administratives toujours en cours au sein du Département de la justice et des enquêtes judiciaires ‒ le Committee on Oversight and Government Reform a demandé au Département de la justice de lui fournir : d’une part, tous les documents touchant à l’opération Fast and Furious elle-même ; d’autre part, tous les documents internes du Département de la justice se rapportant aux réponses que le Département a faites à la Chambre. Si cette double demande a été satisfaite à différents égards par le Département de la Justice (7600 pages de documents, auditions par la Commission de hauts fonctionnaires du Département de la justice), un abcès de fixation s’est néanmoins développé entre l’Exécutif et la Commission de la Chambre des représentants.

C’est qu’en effet, dans une lettre adressée à la Commission le 4 février 2011, l’Attorney General Eric Holder semblait contester la véracité des allégations développées par la presse ou par certains parlementaires sur le caractère inapproprié des méthodes choisies par l’ATF et par le Département de la Justice dans l’opération Fast and Furious. Or l’Attorney General et le Département de la Justice finiront par soutenir que l’opération Fast and Furious était fondamentalement viciée. Cette conclusion fut d’abord développée oralement par l’Attorney General Eric Holder lors de deux auditions au Congrès en octobre et en novembre 2011. Elle fut formalisée par une lettre adressée au Committee on Oversight and Government Reform le 2 décembre 2011, une lettre par laquelle l’Attorney General retirait sa lettre du 4 février 2011.

La Commission a donc adressé le 11 octobre 2011 une assignation à l’Attorney General Eric Holder lui demandant de transmettre aussi bien les documents internes du Département de la Justice qui ont servi à la préparation de sa lettre du 4 février 2011, que tous documents administratifs relatifs à l’opération Fast and Furious postérieurs à cette lettre. La Commission justifie sa fixation sur ces documents par l’idée qu’ils sont seuls de nature à lui permettre de répondre à trois questions (Committee on Oversight and Government Reform, U.S. House of Representatives, Report, June 15, 2012, 39-40) : 1. quels sont les hauts fonctionnaires du Département de la Justice qui auraient dû être avisés ou savoir que la stratégie poursuivie dans l’opération Fast and Furious était inappropriée ? 2. comment le Département de la Justice est-il finalement parvenu à la conclusion que l’opération Fast and Furious était fondamentalement viciée ? 3. quels sont précisément les dysfonctionnements imputables à la force spéciale inter-agences qui a mené l’opération ? Le Département de la Justice pour sa part fait valoir qu’il avait déjà fourni au Congrès une information dont la richesse est exceptionnelle quant à sa substance et ce compte tenu de ce que des enquêtes administratives et judiciaires sont pendantes. De son point de vue, les informations et documents transmis au Congrès : 1) laissent clairement apparaître que la stratégie malheureuse développée dans cette opération a été pensée et menée par des agents fédéraux « de terrain » sans l’aval de la plus haute hiérarchie du Département de la Justice ; 2) permettent de comprendre les dysfonctionnements imputables à la force spéciale inter-agences qui a mené l’opération. Cela n’a pas suffi auCommittee on Oversight and Government Reform qui s’est réuni le 20 juin 2012 pour voter une motion d’outrage au Congrès visant l’Attorney General Eric Holder pour son refus d’exécuter l’assignation de la Commission.

C’est donc quelques minutes seulement avant ce vote que le président des Etats-Unis annonça sa décision d’opposer le privilège de l’Exécutif à toute demande de la Commission se rapportant aux documents internes du Département de la Justice postérieurs au 4 février 2011. Dans une lettre du 20 juin 2012 adressée à Darrell E. Issa, président du Committee on Oversight and Government Reform de la Chambre des représentants (les membres de cette Commission se définissent comme les « chiens de garde » de la qualité et de l’efficacité de l’Etat), le Deputy Attorney General (vice-ministre de la Justice) James M. Cole a informé la Chambre de la décision du président des Etats-Unis d’opposer le privilège de l’Exécutif à certaines demandes de documents administratifs adressées au Département de la Justice par le Committee on Oversight and Government Reform [ci-après désigné « la Commission »] dans le cadre de son enquête relative aux dysfonctionnements de l’opération Fast and Furious.

Le 13 août 2012, pour faire suite à la décision du président des Etats-Unis d’opposer le « privilège de l’Exécutif » à certaines demandes de documents du Committee on Oversight and Government Reform dans le cadre de l’affaire Fast and Furious, cette commission de la Chambre des représentants a formé une action civile devant la cour fédérale de district pour le District de Columbia (Washington). L’habilitation à former ce recours a été donnée à la commission par une résolution de la Chambre entière adoptée le 28 juin 2012 par 258 voix contre 95. Cette action civile, qui demande à la juridiction fédérale saisie d’enjoindre à l’Attorney General des Etats-Unis, le ministre de la justice Eric Holder, de transmettre à la Commission les documents par elle demandés, sanctionne l’échec de la réponse pénale initialement envisagée par la Commission. En effet, la Commission s’était d’abord adressée au procureur fédéral pour le District de Columbia afin de l’engager à former une poursuite pénale contre l’Attorney General des Etats-Unis. La Commission s’est heurtée à deux fins de non-recevoir, l’une rédigée par l’adjoint de l’Attorney General Eric Holder, l’autre écrite par le procureur fédéral du District de Columbia. Dans les deux cas, il fut indiqué à la Commission que le refus du ministre de la justice Eric Holder de donner suite à l’assignation de la Commission sur les documents litigieux n’était pas une infraction et qu’il n’y avait donc pas lieu de réunir un Grand Jury en vue de la mise en accusation du ministre. Implicitement, ce refus voulait dire qu’Eric Holder n’était pas justiciable des dispositions du code de législation fédérale (U.S.C., code des Etats-Unis) relatives aux sanctions pénales applicables aux personnes qui hypothèquent le travail du Congrès (Titre II, chapitre 6 du Code). Plus exactement, la loi (2 U.S.C. § 192) sanctionne en tant que délit le fait pour toute personne « convoquée comme témoin » devant toute instance de chacune des chambres ou des deux chambres afin de témoignage ou de production de documents, soit de refuser de déférer à cette convocation, soit de refuser de répondre « pertinemment » aux questions qui lui sont posées. Ce délit est puni d’une amende entre 100 dollars et 1000 dollars et d’un emprisonnement entre un mois et douze mois. Et, aux termes du même code de législation fédérale (2 U.S.C. § 194), un procès-verbal constatant un tel manquement est établi et déposé auprès du Président du Sénat ou du Speaker de la Chambre des représentants, à charge pour l’un ou l’autre d’authentifier ledit procès-verbal en y apposant le sceau des Etats-Unis et, le cas échéant, de le transmettre au procureur fédéral compétent afin que celui-ci réunisse le Grand Jury nécessaire à la mise en œuvre de l’action pénale. En la circonstance, le ministère de la justice et le procureur fédéral du District de Columbia ont donc considéré que le ministre Eric Holder ne pouvait être considéré comme étant un « témoin » au sens du délit précité.

Pascal Mbongo

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