Le Maine devient le premier Etat fédéré américain à introduire dans sa constitution le « droit à l’alimentation » qui est par ailleurs anciennement et puissamment promu par le droit international.
« Êtes-vous favorable à la modification de la Constitution du Maine pour déclarer que tous les individus ont un droit naturel, inhérent et inaliénable de cultiver, d’élever, de récolter, de produire et de consommer les aliments de leur choix pour leur propre alimentation, leur subsistance, leur santé corporelle et leur bien-être ? »
Telle était l’une des trois questions soumises à référendum aux électeurs du Maine le 2 novembre 2021 dans le cadre des élections intermédiaires. La Résolution constitutionnelle « proposant un amendement à la Constitution du Maine pour établir un droit à l’alimentation » adoptée par le parlement du Maine le 2 juillet 2021 soumettait ainsi à référendum un nouveau paragraphe (§ 25) à l’article Ier de la Constitution du Maine, aux termes duquel :
« Droit à l’alimentation. Tous les individus ont un droit naturel, inhérent et inaliénable à la nourriture, y compris le droit de conserver et d’échanger des semences et le droit de cultiver, d’élever, de récolter, de produire et de consommer la nourriture de leur choix pour leur propre alimentation, leur subsistance, leur santé physique et leur bien-être, tant qu’un individu ne commet pas d’intrusion, de vol, de braconnage ou d’autres abus des droits de propriété privée, des terres publiques ou des ressources naturelles dans la récolte, la production ou l’acquisition de nourriture ».
L’exposé des motifs du projet référendaire précisait qu’en plus des caractéristiques définies par le nouveau paragraphe constitutionnel, « le droit à l’alimentation peut avoir d’autres caractéristiques non expressément décrites ».
Ce texte a obtenu 61 % de « Oui ».
Le camp du « Oui » disait, en substance :
« L’Amérique a été fondée sur les droits de l’homme : le droit de s’exprimer, de s’organiser, de pratiquer son culte, d’être armé, d’être libre de toute fouille ou saisie injustifiée, entre autres. Mais ce que nous n’avons toujours pas obtenu, c’est le droit à la nourriture. Les droits sont des protections pour les personnes et non des provisions du gouvernement.
Le droit à l’alimentation concerne le droit individuel d’être libéré de la faim, mais il ne s’agit PAS d’obtenir des aliments gratuits de la part du gouvernement. Il s’agit plutôt de protéger le droit des personnes à se nourrir dans la dignité, ce qui signifie que la capacité à produire de la nourriture est suffisante. Cela signifie que les gens ont les moyens de cultiver ou de produire de la nourriture sans interférence du gouvernement, ou sans interdictions, afin de satisfaire leurs besoins alimentaires pour une santé optimale. La nourriture est notre source de vie et est donc fondamentale pour notre liberté et notre recherche du bonheur.
Le droit à l’alimentation ne limite ni ne restreint les autres droits, y compris les droits de propriété. Il ne permet PAS à une personne de commettre une intrusion, un vol, un braconnage ou d’autres abus des droits de propriété privée ou des terres publiques dans la récolte, la production ou l’acquisition de nourriture. Les brevets sur les semences sont protégés.
Des gens ont faim dans chaque comté et canton du Maine. Au-dessus de la moyenne nationale, l’insécurité alimentaire dans le Maine tourne autour de 14 %. Le Maine a le taux d’insécurité alimentaire le plus élevé de la Nouvelle-Angleterre.
Les gens ont faim dans le Maine parce qu’ils n’ont pas un revenu suffisant ou un emploi stable. Et comme plus de 90 % de ce que les habitants du Maine mangent provient de l’extérieur de l’État, nos systèmes alimentaires sont vulnérables aux faiblesses de l’économie et des infrastructures nationales.
Le droit à l’alimentation protégera notre capacité à construire des communautés résilientes et des économies locales fortes. Grâce à l’abondance de nos ressources naturelles et de nos travailleurs, les systèmes alimentaires autodéterminés sont à notre portée. En inscrivant le droit à l’alimentation dans notre constitution, la capacité de cultiver et d’élever des aliments sera protégée dans la forme la plus fondamentale du droit. » (Commentaire public en faveur de la question 3).
Le camp du « Non » pour sa part disait :
« La question 3 est une solution à la recherche d’un problème.
Elle est trop vague et de trop grande portée pour avoir une place permanente dans la Constitution du Maine.
Les habitants du Maine qui se préoccupent de la faim, de l’agriculture responsable, du contrôle local, du bien-être des animaux, des exploitations familiales, ainsi que de la pureté de l’air et de l’eau, devraient voter NON à la 3.
* Votez NON à la 3 parce que ce sont les difficultés économiques qui font que les Mainers connaissent la faim ou l’insécurité alimentaire. La question 3 n’autorise pas un centime pour les affamés.
* Votez Non sur 3 parce que cet amendement constitutionnel ambigu pourrait donner à Monsanto et à d’autres conglomérats alimentaires internationaux la licence de faire ce qu’ils veulent de notre nourriture.
* Votez Non sur 3 parce que cette mesure pourrait supprimer les normes de bien-être animal dans l’agriculture animale. Cet amendement est un "droit à l’élevage industriel" et un "droit de manger des chiens, des chats et des chevaux."
* Votez Non sur 3 parce qu’un "droit à l’alimentation" pourrait enlever le pouvoir des gouvernements locaux de fournir des normes de santé et de sécurité, anti-pollution, et de zonage appropriées.
* Votez Non au 3 parce qu’il fait du Maine le seul État qui met une poignée de juges en position de déterminer l’avenir de notre politique alimentaire.
* Votez Non sur 3 parce que cette mesure pourrait créer de la confusion et inviter des défis juridiques lorsqu’il s’agit d’appliquer les lois sur la faune du Maine.
* Votez Non sur 3 parce que les architectes de l’amendement n’ont pas donné aux Mainers une seule bonne raison pour cet amendement à notre Constitution.
Lorsque cette mesure a été présentée à l’assemblée législative, elle a fait l’objet d’une opposition de la part de l’Association des médecins vétérinaires du Maine, de l’Association des municipalités du Maine, de Maine Friends of Animals, du Maine Farm Bureau, de Maine Animal Coalition, de Animal Rights Maine et du Maine Potato Board » (Beth Gallie, présidente du Maine Animal Coalition).
En adoptant cette révision constitutionnelle, les électeurs du Maine font nouvellement de l’Etat un précurseur en matière d’alimentation puisque, comme le rappelle le Press Herald, « en 2017, le Maine a adopté une loi sur la souveraineté alimentaire, la première de ce type dans le pays. Cette loi permet aux gouvernements locaux d’admettre les petits producteurs alimentaires qui vendent directement aux clients sur place. D’autres États du pays ont adopté des lois similaires dans les années qui ont suivi l’adoption de la loi du Maine ».
Bien que n’ayant pas été consacré par les cours suprêmes des Etats, par les agences fédérales ou les juridictions fédérales, le droit à l’alimentation a néanmoins fait l’objet d’une occurrence remarquée dans l’arrêt de la Cour suprême Powell v. Pennsylvania de 1888 :
« J’ai toujours supposé, y écrivait le juge Stephen Field, que le don de la vie était accompagné du droit de rechercher et de produire de la nourriture, grâce à laquelle la vie peut être préservée et appréciée, de toutes les manières qui n’empiètent pas sur les droits égaux d’autrui. J’ai supposé que le droit de prendre toutes les mesures nécessaires au maintien de la vie, qui sont innocentes en elles-mêmes, est un élément de cette liberté que tout citoyen américain revendique comme son droit de naissance. […] Le droit de se procurer une nourriture saine et nutritive, qui permet de conserver la vie et d’en jouir, et de la fabriquer, fait partie de ces droits inaliénables, que, à mon avis, aucun État ne peut donner, et qu’aucun État ne peut enlever, sauf pour punir un crime. Il est impliqué dans le droit de poursuivre son bonheur ».