Mariage homosexuel. Chronique de législation et jurisprudence

Invalidation au regard de la Constitution de l’Etat de la législation du Nouveau-Mexique empêchant les mariages homosexuels

C’est la décision rendue le 19 décembre 2013 par la Cour suprême du Nouveau-Mexique qui devient par la même occasion le 17e Etat à légaliser le mariage entre personnes de même sexe. L’attention doit être attirée sur le fait que la Cour suprême du Nouveau-Mexique sollicite davantage la Constitution de l’Etat plutôt que l’arrêt Windsor de la Cour suprême :

« Nous concluons que bien qu’aucune des lois relatives au mariage dans le Nouveau-Mexique n’interdise spécifiquement des mariages entre personnes de même sexe, lues dans leur globalité, ces lois ont pour effet d’écarter les couples de même sexe du bénéfice du mariage et des droits, des protections et des responsabilités afférents. Parce que les couples de même sexe (lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, ou transgenre(s)) forment un groupe discret qui a été historiquement soumis à de la discrimination et à de la violence et qui n’ont pas la puissance politique qui aurait pu les préserver d’un tel traitement, la classification en cause ici doit faire l’objet d’un examen de constitutionnalité poussé. Dès lors, le Nouveau-Mexique ne peut constitutionnellement, ni refuser aux couples de même sexe le droit de se marier, ni les priver des droits, des protections et des responsabilités attachés au mariage, à moins que les partisans de la législation litigieuse, en l’occurrence les adversaires du mariage entre personnes de même sexe, ne fassent la preuve de ce que la discrimination causée par la loi litigieuse est « significativement liée à un intérêt important pour les pouvoirs publics ». Somme toute, interdire à des individus de se marier et les priver des droits, des protections et des responsabilités liés au mariage civil seulement en raison de leur orientation sexuelle viole le principe d’égalité devant la loi prévu par l’Article II, section 18 de la Constitution du Nouveau-Mexique ».

22 décembre 2013


Inconstitutionnalité de l’interdiction constitutionnelle du mariage homosexuel dans l’Utah (et contrôle de constitutionnalité des constitutions des États et de lois référendaires)

La décision a été rendue le 20 décembre 2013 par une cour fédérale de district de l’Utah (Robert J. Shelby, statuant en juge unique). Le juge Shelby conclut dans ces termes :

« Les demandeurs dans ce procès sont trois couples de gays et de lesbiennes qui veulent se marier, mais ne pouvaient pas le faire en l’état parce que la Constitution de l’Utah interdit le mariage homosexuel. [Cette interdiction a été adoptée par référendum en 2004 : l’Utah Constitutional Amendment 3 (65,86 % de Oui et 34,14 % de Non) prévoit : d’une part que le mariage consiste exclusivement en une union légale entre un homme et une femme ; d’autre part qu’aucune autre union familiale ne saurait être reconnue comme mariage ni recevoir des effets équivalents à ceux du mariage].
Les demandeurs soutiennent que cette interdiction viole leurs droits au Due Process et le principe constitutionnel d’égalité (Quatorzième Amendement de la Constitution des États-Unis). L’État de l’Utah défend ses lois et soutient qu’un État a le droit de définir le mariage selon les conceptions et la décision de ses citoyens. La cour se dit d’accord avec l’Utah que la réglementation du mariage a traditionnellement été du ressort des États et le reste aujourd’hui encore. Toutefois, toute réglementation adoptée par un État, qu’elle se rapporte au mariage ou à quelque autre intérêt, doit respecter la Constitution des États-Unis. La question à laquelle la cour doit répondre en l’espèce n’est pas de savoir qui de l’État fédéral ou des États fédérés devrait définir le mariage, mais si la définition du mariage en vigueur dans l’Utah est admissible au regard de la Constitution des États-Unis.
Rares sont les questions aussi chargées politiquement dans le climat actuel. Cette observation est particulièrement lorsque, comme en l’espèce, ce sont les citoyens de l’État eux-mêmes qui ont agi démocratiquement et par voie référendaire à propos de la question en discussion. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’une juridiction se mêle d’une telle action. Mais les questions de droit soulevées dans la présente espèce ne dépendent pas du fait de savoir si les lois de l’Utah sont des lois parlementaires ou des lois référendaires, ni du fait de savoir si ces lois ont été adoptées à une large ou à une courte majorité. La question posée en l’espèce dépend de la Constitution des États-Unis elle-même et de l’interprétation qui en a été donnée par la Cour suprême et par la cour d’appel fédérale pour le 10e circuit
La cour conclut que l’interdiction du mariage homosexuel dans l’Utah est contraire aux garanties de Due Process et d’égale protection de la loi prévues par la Constitution des États-Unis. Ces lois, en refusant aux gays et aux lesbiennes le droit de se marier, méconnaît la dignité de ces couples de même sexe sans raison valable ».

Il faudra voir si la cour d’appel fédérale voudra s’approprier l’interprétation faite par le juge Shelby de l’arrêt de la Cour suprême United States v. Windsor (2013)

22 décembre 2013


Hawaii introduit le mariage homosexuel dans sa législation

Le 2 décembre 2013, Hawaii devient la 16e entité fédérale américaine (l’Illinois étant la 15e) à légaliser le mariage homosexuel. La loi a été promulguée par le Gouverneur Neil Abercrombie après l’échec de tentatives formées par les opposants à ce texte d’obtenir d’un juge son blocage pour le motif tiré de la violation d’une disposition de la Constitution d’Hawaii adoptée par référendum en 1998 et donnant au Parlement d’Hawaii la faculté de circonscrire le mariage aux seules unions entre personnes de sexes différents. Or le juge saisi a écarté cet argument en faisant valoir que la rédaction de la disposition constitutionnelle en question ne tend pas à restreindre la faculté du Parlement d’Hawaii de légaliser le mariage entre personnes de même sexe.

Lire un aperçu de l’évolution historique du mariage homosexuel aux Etats-Unis

25 novembre 2013


Promulgation de la loi sur le mariage homosexuel dans l’Illinois.

La promulgation du Religious Freedom and Marriage Fairness Act a été faite par le gouverneur Pat Quinn le 20 novembre 2013. Comme dans la plupart des États reconnaissant le mariage homosexuel, la loi de l’Illinois permet aux couples de même sexe de se marier mais permet par ailleurs aux organisations religieuses d’accepter ou de refuser de célébrer des mariages entre personnes de même sexe.

La loi entre en vigueur le 1er juin 2014.

Sept mois avant l’entrée en vigueur (2014) de la loi sur le mariage entre personnes de même sexe dans l’Illinois, un juge de l’US District Court for the Northern District of Illinois a décidé le 25 novembre que deux femmes de Chicago peuvent se marier immédiatement, parce que l’une des deux est atteinte d’un cancer en phase terminale.

Vernita Gray, 64 ans, et Patricia Ewert, 65 ans, se sont fiancées en 2009 et ont conclu une union civile en 2011. V. Gray a un cancer du sein qui s’est récemment propagé à son cerveau au point que ses jours sont désormais comptés. P. Ewert est pour sa part une survivante du cancer du sein. Outre ses aspects symboliques, ce mariage doit permettre également de sécuriser la situation financière de P. Ewert en cas de disparition de V. Gray.

Les fonctionnaires de l’état civil du Comté de Cook ont décidé d’appliquer la décision judiciaire.

25 novembre 2013


21 octobre 2013 : le New Jersey commence de pratiquer le mariage homosexuel

Depuis le 21 octobre 2013, le mariage homosexuel est légalement pratiqué dans le New Jersey, par suite d’une décision judiciaire décidant que le refus d’établir des certificats de mariage aux couples homosexuels violait le principe d’égalité des citoyens devant la loi garanti par la Constitution du New Jersey. Plus exactement, la Cour suprême du New Jersey a décidé le 18 octobre 2013 de ne pas suspendre en attendant le jugement en appel d’une décision d’une juridiction inférieure qui a conclu qu’au regard de l’arrêt US v. Windsor de la Cour suprême des Etats-Unis, les unions civiles ne rendaient pas leurs titulaires éligibles aux prestations fédérales. Le New Jersey devient ainsi le 14e Etat de la fédération américaine à pratiquer le mariage homosexuel, contre l’avis du Gouverneur, qui aurait voulu que la Cour suprême décide de s’en remettre au référendum envisagé dans l’Etat.

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Mariage homosexuel et Full Faith and Credit Clause : un juge du Kentucky refuse le privilège des époux à une femme homosexuelle invitée à témoigner contre sa compagne dans une affaire criminelle.

L’affaire à l’occasion de laquelle cette décision a été rendue le 23 septembre 2013 est une affaire criminelle (meurtre, vol) ayant eu lieu en 2011. La prévenue et sa compagne ont invoqué le « privilège des époux » (Husband-Wife Privilege) pour s’opposer à la convocation à témoigner adressée à la deuxième. Ce « privilège », aux termes de la loi du Kentucky, consiste doublement en la faculté de refuser de témoigner contre son conjoint pour des événements survenus après le mariage et en la faculté pour un prévenu de refuser de voir témoigner son conjoint.

Dans la présente affaire, la prévenue a contracté une union civile dans le Vermont en 2004 dont elle estime qu’elle lui confère les droits, les avantages et les responsabilités d’un couple marié ; autrement dit, et à ses yeux, la loi du Vermont ne fait pas de distinction entre l’union civile et le mariage homosexuel que le Vermont a entre-temps légalisé. Par suite la convocation à témoigner adressée à sa compagne constitue une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et une violation de la Full Faith and Credit Clause de la Constitution des États-Unis.

Le Kentucky, non seulement ne reconnaît pas le mariage homosexuel mais en plus a introduit dans ses textes des dispositions excluant les mariages homosexuels contractés dans d’autres États du bénéfice de la Full Faith and Credit Clause. À la faveur d’un référendum constituant, cette exclusion a été « verrouillée » par la Constitution du Kentucky en 2004. Toutefois, dans la présente affaire, la juge n’a pas eu à rentrer dans des considérations constitutionnelles pour rejeter l’invocation du privilège des époux.

Prenant acte de ce que l’évolution des sensibilités sociales et de l’acceptation plus grande du mariage homosexuel dans la société américaine en général et dans le Kentucky en particulier, la juge ne considère pas moins que la question de la légitimité ou de l’illégitimité d’une admission du mariage homosexuel n’est pas du ressort des juges mais de celui des législateurs. Surtout, la juge fait valoir que la réception de la réception dans le Kentucky de la législation du Vermont ne se pose pas dans le cas d’espèce puisqu’au regard de la loi du Vermont, le prévenu et sa compagne ne sont pas mariés. La juge (du Kentucky) parvient à cette conclusion à la faveur d’une lecture serrée de la législation du Vermont, une lecture qui fasse apparaître que le Vermont est de ceux des États dans lesquels les unions civiles n’ont pas automatiquement été converties en mariages de personnes de même sexe lorsque ces mariages furent institués par la loi.

Lire la décision

Sur les questions juridiques posées au fédéralisme américain par le mariage homosexuel, voir encore le bloc-notes du 4 septembre 2013.

23 septembre 2013


14 mai 2013 : le Minnesota légalise le mariage homosexuel

Le Gouverneur du Minnesota a promulgué (signé) le 14 mai 2013 une loi légalisant le mariage homosexuel dans le Minnesota. Le texte a été définitivement adopté après un vote du Sénat intervenu le 13 mai (37 voix contre 30) et celui de la Chambre des représentants le 9 mai (75 voix contre 59).

La nouvelle loi consiste d’une part en une modification des Minnesota Statutes 2012 (sections 363A.26 ; 517.01 ; 517.03, subdivision 1 ; 517.08, subdivision 1a ; 517.09 ; 518.07) et d’autre part en une codification de la nouvelle législation dans les Minnesota Statutes (chapter 517).

Le mariage civil – la nouvelle législation substitue constamment la notion de « mariage civil » à celle de « mariage » – est nouvellement défini comme étant un « contrat entre deux personnes » plutôt qu’entre « un homme et une femme ». Consécutivement, sont abrogées les dispositions de la législation antérieure portant prohibition du mariage « entre personnes du même sexe » et rendant nul et sans effet dans le Minnesota, le mariage contracté par des personnes du même sexe, que ce soit en common law ou sous l’empire du droit d’un autre État de la fédération américaine ou d’un Etat étranger. Au surplus, il est précisé que lorsque le terme « mariage », « conjugal », « se marier », ou « marié » est utilisé dans le Minnesota dans des occurrences aux droits, obligations et privilèges d’un couple légalement constitué, ces expressions désigneront le mariage civil au sens de la nouvelle loi, ou des personnes soumises au mariage civil.

La part la plus importante des prescriptions de la loi se rapporte à la conciliation entre le mariage homosexuel et la protection effective de la liberté des institutions sociales à tendance religieuse. Le législateur du Minnesota distingue ainsi deux enjeux.

Le premier enjeu consiste dans le refus de célébrer un mariage pour des raisons religieuses, cette question impliquant une non-immixtion des pouvoirs publics dans les doctrines religieuses (Refusal to solemnize ; protection of religious doctrine). Ici, il est dit que « chaque organisation, association ou entreprise à caractère religieux exerce un contrôle exclusif sur sa propre doctrine théologique, sa politique, ses enseignements et croyances s’agissant de qui peut se marier au regard de sa foi ». Par suite, un membre attitré du clergé ou toute autre personne autorisée par la législation du Minnesota à célébrer un mariage civil « ne peut être soumis à une amende, à une sanction, ou à une procédure en responsabilité civile pour défaut ou refus de célébration d’un mariage civil pour une raison quelconque ».

Le deuxième enjeu consiste dans le refus de participer ou d’aider à la célébration d’un mariage, cette question impliquant une non-immixtion des pouvoirs publics dans les croyances religieuses des personnes (Refusal to participate or support solemnization ; protection of religious belief). Ici, il est dit qu’aucune association, corporation ou entreprise à caractère religieux ne peut être contrainte de fournir des biens ou des services pour la célébration d’un mariage civil ou l’organisation d’une fête en l’honneur d’un mariage civil. En cas de refus, ces entreprises de tendance religieuse ne sauraient faire l’objet de poursuites civiles ou de toute action des pouvoirs publics qui les sanctionnent, leur infligent une amende, ou leur retirent quelque avantage consenti aux associations, corporations, entreprises à caractère religieux par des lois du Minnesota (« y compris, mais sans s’y limiter, les lois relatives aux exonérations fiscales ») dès lors que le fait pour ces entreprises de livrer les biens ou les services en cause leur ferait « violer leurs croyances religieuses sincères » ("... to violate their sincerely held religious beliefs").

Cette règle d’immunité n’est cependant pas applicable aux activités commerciales laïques et non déterminées par des buts religieux ou éducatifs de ces entreprises de tendance religieuse, cette exception s’appliquant aux employés, agents et bénévoles dans l’exercice de leurs charges et responsabilités pour le compte de ces entreprises de tendance religieuse.

Le Minnesota est le 12ème État à légaliser le mariage homosexuel et le premier État du Midwest à le faire par voie législative, puisque dans l’Iowa cette légalisation s’est faite par voie judiciaire en 2009.

7 mai 2013. Le Delaware légalise le mariage homosexuel

Le Gouverneur du Delaware a promulgué (signé) le 7 mai 2013 – le jour même de son adoption définitive du fait du vote du Sénat du Delaware par 12 voix contre 9 – la loi instituant le mariage homosexuel dans l’État. La loi entre en vigueur le 1er juillet 2013.

La loi abroge l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe posée en 1996. Elle permet nouvellement à deux individus, du même sexe ou de sexes différents, de se marier pour autant que les autres exigences légales sont réunies. Par suite de la nouvelle loi, les unions civiles ne pourront plus être formées dans le Delaware. La loi permet aux personnes ayant contracté une union civile, pour autant que la dissolution ou l’annulation de cette union (ou une séparation légale) n’est pas l’objet d’une procédure pendante, de convertir cette union civile en un mariage avant le 1er juillet 2014 au moyen d’une demande de certificat de mariage auprès de l’officier d’état civil du comté dans lequel les bans de leur union civile ont été publiés, à charge pour eux de choisir ou non d’honorer ce changement de situation par une cérémonie de célébration de mariage. Le 1er juillet 2014, toutes les unions civiles existantes et ne faisant pas l’objet d’une procédure pendante de dissolution, d’annulation ou de séparation légale se convertiront automatiquement en mariages.

La loi dispose encore que lorsque deux personnes de même sexe ont contracté une union légale autre qu’un mariage dans un autre État, ces personnes auront droit dans le Delaware aux mêmes droits, avantages, prestations, protections et seront soumises aux mêmes responsabilités, obligations et devoirs que les personnes mariées sous l’empire de la loi du Delaware. Cette règle d’équivalence ou de reconnaissance ne vaut pour autant que l’union civile a été régulièrement contractée dans l’autre État et que les personnes concernées sont par ailleurs éligibles au mariage au regard de la loi du Delaware.

Aux termes de la loi, l’égalité de traitement entre couples homosexuels et couples hétérosexuels est absolue en tous points, qu’il s’agisse de la situation des conjoints ou des enfants.

Considération faite de la liberté de religion garantie par le Premier Amendement de la Constitution des États-Unis, il est précisé que la nouvelle loi ne saurait être considérée comme constituant une immixtion dans les pratiques de quelque organisation religieuse. Aussi les organisations religieuses ont-elles toute liberté de décider des mariages qu’elles acceptent de célébrer, des ministres du culte ne pouvant être contraints de célébrer un type de mariage auquel ils ne consentent pas pour des raisons religieuses.

Désormais, 11 États plus le District de Columbia reconnaissent le mariage homosexuel.

Pascal Mbongo
9 mai 2013

3 mai 2013. Cour suprême de l’Iowa, 3 mai 2013 : Mariage homosexuel et état civil des enfants

Mariage homosexuel et état civil des enfants. Une résonance américaine du débat français sur « 2 papas » ou « 2 mamans » sur l’état civil. 1/ Cas de deux femmes mariées en vertu de la loi de l’Iowa de 2009 ayant légalisé le mariage homosexuel. 2/ Cour suprême de l’Iowa (3 mai) : les noms des 2 mères doivent figurer sur l’état-civil dès lors que la mère non-biologique a adopté l’enfant de son épouse. Lire la décision

2 mai 2013. Rhode Island. Promulgation de la loi sur le mariage homosexuel dans le Rhode Island par le Gouverneur
Désormais, 10 États plus le District de Columbia reconnaissent le mariage homosexuel.

13 avril 2013. Cour d’appel du Michigan : la Constitution du Michigan ne fait pas obstacle à la pérennité du contrat de mariage après un changement de sexe du conjoint

Devon Pearl Burnett s’est mariée en 1984 dans le Michigan et vécut avec son époux jusqu’en 2005 en Pennsylvanie. Sauf qu’en 2003, l’époux a subi une opération chirurgicale qui l’avait fait devenir femme. Ce sont les deux enfants et la curatrice de l’intéressée qui, au titre de leur droit de garde sur Devon Pearl Burnett (alors âgée de 79 ans et souffrant de démence), introduisirent une demande de divorce auprès d’une juridiction du Michigan.

Cette demande fut contestée par l’époux (Bobbie Eliza Burnett, tel qu’il (elle) est désigné(e) dans les écritures) au double motif que :

1° les enfants n’avaient pas qualité pour agir en lieu et place de leur mère ;

2° les intéressés n’étant pas mariés (du fait du changement de sexe de l’époux), le juge prononcerait-il le divorce qu’il reconnaîtrait le mariage homosexuel alors que celui-ci n’est pas reconnu par la Constitution et la loi du Michigan.

La juridiction de première instance jugea en 2012 que les parties avaient bien contracté un mariage valide au regard de la loi du Michigan (et non un mariage homosexuel), qu’ainsi il était loisible au juge d’en prononcer la dissolution. Par suite, le divorce fut prononcé, un divorce contesté en appel par Bobbie Eliza Burnett (dont l’épouse décéda alors que l’appel était pendant).

Il n’y a aucun doute, fait valoir la cour d’appel du Michigan dans son arrêt du 13 avril, que lorsque les parties formèrent leur contrat de mariage, le demandeur était une femme et le demandeur un homme. Et cette situation n’est pas impactée par l’opération chirurgicale subie en 2003 par le défendeur. La cour rejette ainsi l’argument du défendeur consistant à prétendre en quelque sorte que son opération aurait « dissout de manière magique » ce qui était un mariage tout ce qu’il y a de valide. L’affaire impliquait notamment l’article 1, § 25 de la Constitution du Michigan de 1963 tel qu’il ressort d’un amendement constitutionnel voté par référendum par les citoyens du Michigan en 2004 : « Afin de sécuriser et de préserver les avantages du mariage pour notre société et pour les futures générations d’enfants, l’union en mariage d’un homme et d’une femme sera le seul accord de volontés reconnu en tant que mariage ou union de même nature, pour quelque raison qu’il s’agisse » (“To secure and preserve the benefits of marriage for our society and for future generations of children, the union of one man and one woman in marriage shall be the only agreement recognized as a marriage or similar union for any purpose”).

Cette disposition constitutionnelle du Michigan – qui est concrétisée à travers des textes législatifs dans le Michigan − met ainsi en œuvre le principe de la compétence exclusive des Etats pour définir et réglementer le mariage, un principe qui a été très lointainement confirmé dans la jurisprudence de la Cour suprême. Mais cette compétence des Etats ne fait pas obstacle à une législation fédérale qui définisse les conditions de reconnaissance entre les Etats du mariage ou qui définisse ce qu’il faut entendre par « mariage » dans le contexte des droits ou des prestations définis par le droit fédéral. En l’occurrence telle est la portée du fameux Defense of Marriage Act (DOMA) dont le caractère discriminatoire ou non au regard de la Constitution fédérale est actuellement débattue devant la Cour suprême. D’une certaine manière, le problème d’une Cour suprême qui voudrait être libérale est le suivant : lui est-il possible de conclure au caractère discriminatoire du DOMA sans que sa conclusion n’annihile ipso facto toute capacité pour les Etats de décider, comme le Michigan, qu’il n’y a de mariage qu’entre un homme et une femme ? Cette question a une importance particulière au sein de la Cour actuelle parce que nombre de ses juges, d’une part veulent « redonner du pouvoir aux Etats » (ou, à tout le moins limiter le « parasitage » des compétences des Etats par des lois fédérales), d’autre part sont réfractaires à la reconnaissance de droits « non explicitement prévus par la Constitution ». Pour ainsi dire, rien de neuf sous le soleil de la Cour suprême : cette tension travaille l’histoire de la Cour depuis plus d’un siècle, comme le montre William Funk dans son chapitre dans Le droit américain dans la pensée juridique française contemporaine. Entre points de fixation, représentations et impensés (à paraître).

Pascal Mbongo
20 avril 2013

Aff. : Devon Pearl Burnett, v. Bobbie Eliza Burnett

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